Depuis la création de la Sécurité sociale en 1945, chaque salarié bénéficie d’une protection sociale obligatoire de base quel que soit son statut. Cette protection intervient contre les conséquences financières d’une maladie ou d’une interruption temporaire ou définitive de l’activité professionnelle, entraînant la diminution voire la suppression du revenu. Les cadres disposent en plus d’une couverture complémentaire obligatoire à la Sécurité sociale, à la charge de l’entreprise, appelée « contrat 1,50% T1 ».
Pascal Ronzon, expert en protection sociale (APICIL Santé Prévoyance)
L’obligation du 1,50% T1 date de 1947
La couverture obligatoire des salariés à la charge des entreprises repose sur l’articulation de deux régimes :
- le régime de base de la Sécurité sociale ;
- le régime de protection sociale généralisé par la loi (maintien de salaire) ou mis en place par un accord de branche.
Cette articulation s’explique par le fait que l’assurance de base Sécurité sociale limite les prestations versées, notamment en cas de décès. La couverture obligatoire n’est pas suffisante dans toutes les situations. C’est pourquoi les cadres se sont organisés et ont créé un régime complémentaire obligatoire, appelé le 1,50 % T1.
Depuis 1947, l’article 7 de la Convention Collective Nationale des cadres impose aux employeurs de protéger leurs salariés cadres en les affiliant à un régime de prévoyance collective.
Elle porte sur un taux et non pas sur des garanties.
La Convention Collective Nationale des cadres du 14 mars 1947 prévoit l’obligation pour l’employeur de verser une cotisation au titre d’une prévoyance complémentaire, à la charge totale de l’entreprise. Cette cotisation est égale à 1,50 % du salaire du cadre, limité à la T1 (tranche 1, salaire jusqu’au Plafond Annuel de la Sécurité Sociale).
L’obligation ne porte que sur la partie du salaire allant de 0 € à un Plafond Mensuel de la Sécurité Sociale (PMSS), soit 3 864 € par mois en 2024. Tout comme la cotisation qui est limitée à ce plafond de la Sécurité sociale, les prestations versées sont également plafonnées.
Convention collective Nationale de Retraite et de Prévoyance des Cadres du 14 mars 1947
Extrait de l’article 7, 1er paragraphe :
Les employeurs s’engagent à verser, pour tout bénéficiaire visé aux articles 4 et 4 bis de la Convention ou à l’annexe IV à cette Convention, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,50% de la tranche de rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de Sécurité sociale.
Cette contribution doit être versée à une institution de prévoyance ou à un organisme d’assurance pour les bénéficiaires visés aux articles 4 et 4 bis, à l’INPR (institution nationale de prévoyance des représentants) pour les ressortissants de l’annexe IV à l’exclusion des VRP affiliés pour ordre à l’IRPVRP en application du dernier alinéa du paragraphe 2 de l’article 1er de l’annexe IV.
Elle est affectée par priorité à la couverture d’avantages en cas de décès.
Disparition du statut cadre : l’obligation du contrat 1,50 % perdure
La fusion des régimes de retraite Arcco-Agirc au profit de l’Arcco au 1er janvier 2019 entraîne de facto la disparition du statut des cadres.
Cependant, la spécificité du régime de prévoyance des cadres persiste. L’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la prévoyance des cadres du 17 novembre 2017 maintient en l’état les dispositions de la prévoyance des cadres. Ceci continuera tant que la négociation sur la définition de la notion de l’encadrement ne sera pas stabilisée. Cela peut prendre des années …
L’obligation de la couverture prévoyance des cadres s’applique dans toute entreprise qui a au moins un cadre à son effectif ! En cas de non-respect de cette obligation, les sanctions sont lourdes… Si l’employeur n’est pas à jour dans ses cotisations ou n’a pas souscrit un contrat de prévoyance pour son ou ses cadres, le décès d’un cadre peut avoir des conséquences financières importantes pour l’entreprise. C’est ainsi que les ayants droit du défunt sont en mesure de réclamer une compensation financière qui peut aller jusqu’à 3 fois le plafond annuel de la Sécurité sociale (139 104 € en 2024).
Une assurance décès obligatoire, mais le contenu des autres garanties est libre
La convention collective des cadres crée une obligation d’assurance portant sur un taux, sans pour autant définir le contenu des garanties. Il est admis que la cotisation doit être affectée en priorité à la couverture décès.
Dans une lettre du 26 août 1994, l’Agirc a indiqué que « l’expression par priorité signifie que plus de la moitié de la cotisation obligatoire de 1,50% doit être consacrée à la couverture du risque décès », soit une cotisation au minimum de 0,76% de la « Tranche 1 ». Cela implique que les 0,74% restants peuvent financer d’autres garanties y compris des garanties de frais de santé selon une décision de la cour d’appel de Paris du 6 février 2020 qui fait actuellement jurisprudence (jugement du 6 février 2020, n°18/20112). Jusqu’alors, il était admis que le 1,50% T1 Cadres portait sur des garanties de prévoyance. Et l’on entendait par prévoyance les risques décès, incapacité et invalidité. Cette jurisprudence de février 2020 précise qu’une garantie de frais de santé est de la prévoyance !
La garantie décès : une assurance obligatoire pour la famille du salarié en cas de perte brutale de revenus
Le contrat de prévoyance complémentaire des cadres doit comprendre au moins une garantie contre le risque décès. En quoi consiste cette assurance ? L’assurance décès permet de compenser la perte brutale de revenus pendant la période qui suit immédiatement le décès. Lorsqu’un salarié décède avant d’être à la retraite, il est attribué un capital décès à un ou plusieurs membres de sa famille. Le capital décès est versé par priorité aux personnes qui étaient au jour du décès à la charge effective, totale et permanente de l’assuré(e). La déclaration du décès est à faire par l’employeur. Grâce à cette garantie, le conjoint ou les enfants, perçoivent un capital ou une rente, pour compenser la perte des revenus du salarié cadre décédé. Cette garantie décès peut être renforcée par des garanties supplémentaires qui prennent en charge les frais liés aux obsèques ou encore, qui assurent le versement d’une rente aux enfants jusqu’à la fin de leurs études.
Les autres garanties du contrat (invalidité et incapacité de travail) : conseillées mais pas obligatoires
La garantie décès est obligatoire pour les salariés cadres. Pour autant, l’employeur peut ne pas s’y limiter et souscrire aussi des garanties qui couvrent les risques liés à l’invalidité ou à l’incapacité temporaire de travail.
La concurrence est vive sur le sujet du 1,50% T1 car chaque assureur dispose d’une offre spécifique. Certains privilégieront une offre complète et globale tout en écartant les frais de santé tandis que d’autres privilégieront le décès et la couverture frais de santé. D’autres encore proposerons une participation aux frais d’obsèques … Même si ce débat du contenu reste un sujet d’actualité, l’obligation d’assurance demeure et s’accompagne toujours d’avantages pour l’entreprise. Entre autres, les cotisations patronales bénéficient d’exonérations fiscales et sociales, voire peuvent être déduites du bénéfice imposable sous certaines conditions.
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