Prévoyance

Portabilité de la prévoyance : ANI, Code du travail… que dit la loi ?

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En cas de rupture du contrat de travail (rupture conventionnelle, licenciement…), un salarié peut bénéficier du maintien des garanties prévoyance ou santé après son départ, sous certaines conditions. Cela s'appelle la "portabilité des droits", un dispositif prévu à l'origine par l'article 14 de l'ANI (Accord National Interprofessionnel) du 11 janvier 2008. Décryptage de Pascal Ronzon, expert en protection sociale.

Sommaire :

Pascal Ronzon, expert en protection sociale (Groupe APICIL).

La portabilité de la prévoyance : qu’est-ce que c’est ?

Un salarié quitte votre entreprise dans le cadre d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement (sauf faute lourde) ? Il bénéficie ainsi d’un « droit à la portabilité » et reste protégé par l’assurance prévoyance et santé complémentaire même après son départ. Ce droit parfois méconnu se mélange à vos obligations.

La mise en place d’un contrat collectif de prévoyance et/ou de mutuelle santé dans une entreprise génère des droits pour les salariés. Ces contrats de prévoyance sont souvent souscrits soit parce qu’il existe :

  • une obligation légale : un contrat obligatoire de couverture des frais de santé ;
  • des obligations conventionnelles : un contrat de prévoyance complémentaire.

Le nombre de ruptures conventionnelles de contrats de travail augmente depuis 10 ans : l’occasion d’éclairer le mécanisme de portabilité qui doit être proposé à chaque salarié quittant l’entreprise dans ce cas de figure. Les conditions de la continuité de la couverture au profit de ses anciens salariés relèvent de l’employeur.

La portabilité : quelles conditions pour en bénéficier ?

Le salarié bénéficie d’un droit, celui d’être protégé par une assurance prévoyance complémentaire au départ de l’entreprise, dans le cadre d’une rupture conventionnelle ou d’un licenciement (sauf pour faute lourde) : ce droit s’appelle la portabilité. Pour en bénéficier, le salarié doit justifier de la perception des allocations chômage. C’est la condition sine qua non.

La portabilité se déclenche ainsi lors de la rupture du contrat de travail quelle que soit la cause, sauf en cas de licenciement pour faute lourde.

Le déclenchement de la portabilité s’applique à tous les salariés, en CDD et en CDI, dès lors que le salarié à au moins un mois d’ancienneté dans l’entreprise. Cette période de portabilité peut durer au maximum 12 mois, en fonction de l’ancienneté réellement acquise dans l’entreprise avant la rupture du contrat de travail. L’ancienneté acquise s’apprécie au mois entier et se calcule par mois jusqu’au douzième mois.

  • Exemple : si le salarié a 2 mois d’ancienneté, il bénéficiera de 2 mois de portabilité. En revanche, pour une ancienneté de 6 mois et 20 jours, on retiendra, dans ce cas, une durée de portabilité de 7 mois. L’arrondi s’effectue au mois supérieur.

La portabilité cesse dès lors que le salarié bénéficiaire de la couverture prévoyance reprend un emploi ou est radié par l’assurance chômage.

Et si le salarié est malade ou invalide ?

Si le salarié est malade ou invalide au moment de la rupture du contrat de travail, la portabilité peut être différée, car le salarié ne bénéficie pas pendant cette période de l’assurance chômage. Il perçoit soit une indemnité journalière de la Sécurité sociale, soit une rente d’invalidité. Le fait de différer la prestation dans ce cas de figure n’est pas obligatoire. Cette décision dépend de l’assureur qui n’est pas obligé d’accepter…

Prévoyance : la portabilité des droits en résumé

Conditions pour bénéficier du maintien des garanties

Le maintien des garanties prévoyance (invalidité, décès et incapacité de travail) existantes dans l’entreprise est prévu pour les salariés :

  • quittant leur entreprise en cas de licenciement sauf faute lourde, rupture conventionnelle, rupture d’un CDD à l’initiative de l’employeur, rupture d’un contrat d’apprentissage, ou fin de CDD (important : une démission ne permet pas d’obtenir le maintien des garanties de la mutuelle ou prévoyance d’entreprise) ;
  • bénéficiant de l’assurance chômage ;
  • assurés au contrat d’assurance collectif durant leur période d’emploi au sein de l’entreprise.

Durée de la portabilité

Le maintien des garanties :

  • prend effet à la date de rupture du contrat de travail ;
  • a une durée égale à la période d’indemnisation du chômage (dans la limite de 12 mois) ;
  • cesse lorsque le salarié n’est plus indemnisé par France Travail (anciennement Pôle Emploi) ou s’il retrouve un nouvel emploi.

Qui paie le contrat prévoyance durant la période de portabilité ?

Le salarié ne paie pas pendant la période de portabilité : c’est un droit non contributif.

Le mécanisme de portabilité est souvent invisible, car les contrats de prévoyance portent sur un taux de cotisation global, exprimé en fonction du salaire. Ce taux englobe toutes les garanties de prévoyance et les droits associés.

La portabilité consiste au maintien à l’identique des garanties sans demander au salarié une cotisation pendant la période de maintien : le salarié bénéficie des mêmes conditions de garanties dès lors que ses droits sont ouverts avant la date de sa rupture de son contrat de travail et de manière gratuite. Aucune cotisation ne peut lui être réclamée pendant la période où il se trouve « en portabilité ». C’est ce que l’on appelle un droit non contributif.

Le financement de la portabilité

C’est-à-dire le fait de demander à l’ancien salarié de payer une quote-part de cotisation.

Le coût du maintien des garanties est intégré dans les cotisations applicables aux salariés. Le financement est mutualisé à tous les salariés de l’entreprise, c’est-à-dire tous les salariés présents dans l’entreprise. La mutualisation est payée pour une partie par les salariés et pour l’autre partie par l’employeur, en fonction de la répartition du taux de cotisation global. Le taux de participation de l’entreprise au financement de la prévoyance est en général indiqué dans l’acte juridique de mise en place du régime : décision unilatérale de l’employeur (DUE), accord collectif, référendum.

Portabilité des droits : historique des textes de loi

L’article 14 de l’ANI du 11 janvier 2008

La notion de portabilité apparaît dans l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008. L’ANI prévoit le maintien des garanties existantes pour les salariés dont le contrat de travail est rompu et qui bénéficient d’une prise en charge par l’assurance chômage. Cette double condition est nécessaire.

La Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi

Lors de l’ANI de 2013 et la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 (dite de « Flexisécurité »), cette notion de portabilité est revue et améliorée, au profit des salariés. Le mécanisme de portabilité, appliqué depuis le 1er juin 2014 pour la santé, est alors généralisé et il devient obligatoire au 1er juin 2015 sur les contrats de prévoyance. Depuis, le maintien des prestations s’effectue aussi bien sur les contrats santé que sur ceux de la prévoyance.

“La portabilité des droits du salarié devient une obligation légale à laquelle sont soumises toutes les entreprises.”

L’article L911-8 du Code de la Sécurité sociale

La portabilité est un droit car depuis la loi du 14 juin 2013, le Code de la Sécurité sociale s’est adapté et son article L911-8 est écrit de la manière suivante : « Le droit à portabilité s’étend à tous les salariés quel que soit le secteur professionnel dans lequel ils exercent leur activité ». Le droit à la portabilité est donc généralisé, mais il est cependant donné sous conditions.

La portabilité : un mécanisme innovant de l’assurance collective

Ce droit est un élément à part entière du contrat d’assurance. Aucun salarié ne peut être exclu de ce droit. En revanche, si le salarié n’a pas adhéré au contrat de prévoyance pour des conditions d’ancienneté notamment, il ne peut pas bénéficier de la portabilité en cas de rupture. Le salarié a la faculté de renoncer au bénéfice de la portabilité dans les 10 jours suivant la cessation de son contrat de travail. Cette renonciation devant être effectuée par écrit.

Si l’employeur modifie les garanties ou change d’organisme assureur, les modifications s’appliquent aussi aux anciens salariés bénéficiaires de la portabilité. L’information aux salariés sur les droits à la portabilité est effectuée par l’employeur qui remet la notice d’information établie par l’organisme assureur. L’employeur doit mentionner le droit à portabilité dans le certificat de travail.

Le mécanisme de la portabilité est complexe car la portabilité constitue un droit obligatoire, sous conditions, invisible au regard des cotisations payées. Méconnue en prévoyance, elle  est indissociable du contrat d’assurance collective, tant en prévoyance que pour les contrats frais de santé.

C’est aussi une innovation car le bénéfice de la garantie est déconnecté du contrat de travail. Même sans travail, le salarié continue à être couvert. Ce n’est donc plus l’individu en tant que travailleur qui est couvert, mais l’individu en tant que personne qui est couvert. La portabilité est un droit individuel qui vise à poursuivre la couverture de la prévoyance même sans travail.

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