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Comment mieux travailler ensemble pour plus de bien-être au travail ?

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Du 17 au 21 juin se déroulera, la 16ème semaine de la QVT en France sur le thème de la performance. A cette occasion, nous avons eu envie de faire le point sur quelques bonnes pratiques en matière de bien-être au travail. Rencontre avec Philippe Goulois, consultant chez Coopéractiv’, dont l'action auprès des entreprises est de construire le travail de demain. Ambitieux mais éclairant ! A découvrir sans tarder.
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Sur la question du “mieux travailler ensemble”, quelle est votre philosophie ?

Dans nos valeurs et c’est ce qui caractérise tous nos projets, nous essayons de faire bouger les lignes et pour favoriser le changement, nous demandons aux collaborateurs de faire un pas de côté. A chaque projet, nous mettons en place différentes manières d’embarquer les gens. Notre rôle est d’accompagner les entreprises dans leur réorganisation, la digitalisation de certaines activités et plus largement, dans leur processus de changement. La QVT (Qualité de Vie au Travail) n’est pas un objectif en tant que tel mais dans notre ADN, aussi nous l’embarquons dans notre fusée. Notre intérêt et celui des entreprises avec lesquelles nous travaillons est de mettre de la QVT à tous les niveaux car nous ne voulons pas que ce soit une affaire de spécialistes ou d’experts, mais que la QVT soit infusée dans les pratiques quotidiennes.

Cela passe par des formes nouvelles de collaborations de façon à ce que les perceptions individuelles se confrontent et ouvrent de nouveaux possibles pour construire ensemble des projets communs, des règles de métier partagées…

Le changement dans les entreprises est une des clés du bien-être. Quels sont les leviers pour bien accompagner les salariés ?

Notre travail est de sortir des logiques de silos pour créer de la transversalité. Nous utilisons différentes techniques qui permettent aux gens de sortir de leur cadre habituel et qui fait fonctionner d’autres parties du cerveau.
Nous travaillons avec un plasticien sur les notions d’équilibre, principe qui est au cœur des relations entre les équipes. L’objectif était de créer des mobiles tous ensemble ce qui leur a permis de discuter entre eux et d’aborder des sujets sous une forme ludique ou artistique. Et en plus, ils sont contents car ils ont produit quelque chose de concret !
J’ai fait la même chose avec les élus ruraux dans le cadre de la création d’un tiers lieu. Nous avons organisé la visite du site Les Grands Voisins à Paris. C’est un lieu où il y a une grosse mixité et nous avons imaginé ce que cela pouvait créer comme décalage chez des élus. Nous avons provoqué un déclic en mettant du sens sur ce que représente de créer un tiers lieu et comment ils pouvaient se l’approprier sur leur propre terrain de jeu. Nous allons réhabiliter un château pour créer des liens et en créant des rencontres, nous allons générer de l’innovation. Nous voulions ouvrir le champ des gens en l’ayant vécu, c’est très “expérientiel”.
Autre exemple, je travaille actuellement avec des ingénieurs dans le milieu du BTP. Ils sont tous très bons et ont tous des egos très forts et malgré leur bonne volonté ils n’arrivent pas à se parler ! Il y a parfois des erreurs et personne n’est responsable. Ceci associé au manque de communication entre les équipes, cela crée des situations de blocages. Aussi, nous travaillons avec eux sur l’acceptation de l’erreur et le développement des compétences par l’erreur. De plus, nous apportons du sens aux processus de prises de décisions, et donc des possibles erreurs qui peuvent apparaître.
Nous utilisons différentes techniques qui permettent aux gens de sortir de leur cadre habituel. Nous mobilisons les connaissances des neurosciences en activant d’autres parties du cerveau pour créer ces décalages.
Dans une autre entreprise, nous avons également travaillé avec un anthropologue sur les valeurs communes du groupe et nous avons créé un socle fédérateur. Nous avons confronté ensuite ces valeurs au réel de l’organisation pour les tester et les ancrer dans le quotidien.

Quel est le lien avec la Semaine de la QVT ?

Le lien est bien réel ! Nous nous inspirons beaucoup du travail de Yves Clot qui est à nos yeux une référence en matière de QVT. Pour expliquer cela, j’ai bien envie de faire l’historique de la QVT et de la Qualité du Travail qui sont d’ailleurs liés. Nous avons fait des plans RPS suite aux problèmes rencontrés par France Telecom et en raison de toutes ces alertes, le stress au travail est devenu un sujet d’actualité.
Au fond, les raisons pour lesquelles il y a du stress au travail ne concerne pas les individus. En réalité, d’après Yves Clot, ce sont les organisations qui ne sont pas suffisamment fortes. C’est vraiment un problème d’organisation de travail. C’est en changeant les organisations et en agissant sur le travail lui-même que nous allions amener de la QVT dans le cadre de travail.

La question de la QVT permet à la fois d’accompagner les individus et l’entreprise : comment nous leur permettons de bien faire, comment ils vont être acteur de leur bien-être et comment les entreprises vont pouvoir gagner à la sortie en développant la QVT. Il faut arriver à faire entrer la subjectivité dans la prévention, a recréer du sens commun pour reconstruire des collectifs de travail, à remettre de la confiance dans les relations. Notre action permet aux gens de donner du pouvoir à agir. Les gens iront mieux s’ils sont pour quelque chose dans ce qui leur arrivent. Il faut renforcer le pouvoir des salariés dans l’entreprise le travail est constructeur de santé.

Donner du pouvoir aux salariés, c’est une belle idée. Comment y arriver ?

Il faut agir sur le travail lui-même, manager le travail. Il faut aussi retravailler les équilibres, comme entre la vie pro et perso. Nous pouvons aussi intervenir sur les espaces de travail. Nous les concevons avec les salariés et les managers comme des endroits pour « bien » travailler. Souvent, il suffit juste de remettre des briques et nous recréons du lien entre les choses

Il est très souvent question des espaces de travail. Pour vous, qu’est-ce qu’un endroit pour bien travailler ?

Par exemple, avoir des lieux colorés, bien designés, avec des espaces où les collaborateurs peuvent se mettre à l’écart pour ne pas être interrompu dans leur activité à certains moments, puis des espaces de travail en binôme ou en groupe pour les projets collaboratifs. Cela doit être aussi être dans un endroit où on se sent bien, où l’on peut y mettre un peu de soi, où il est possible de « faire ensemble ». Pour nous, l’essentiel est que ces espaces contribuent à donner du pouvoir à agir aux collaborateurs, qu’ils puissent choisir, changer en fonction des activités, bref que ces espaces soient agiles. En faisant cela, nous redonnons du pouvoir aux salariés qui peuvent à leur tour diminuer la notion de déséquilibres. Cela permet de réguler les contraintes et les ressources.

Justement, la Semaine de la QVT est l’occasion pour tous les acteurs des RH de promouvoir la Qualité de Vie au Travail. Quels conseils donneriez-vous à nos lecteurs ?

En ce moment, nous travaillons sur la question de la QVT avec une entreprise en économie sociale et solidaire (nous ne citerons pas le nom de l’entreprise volontairement). Nous avons introduit quelque chose de nouveau à partir des travaux engagés avec les équipes. C’est ce que nous allons lancer lors de la semaine de la QVT.

Pour pouvoir agir, il faut être capable de dire. Or, dans nos organisations, nous sommes dans l’incapacité de nous parler « vrai » et surtout quand il s’agit nos difficultés. Dans cette entreprise, nous allons tester la QVT à travers les EDD (Espaces de Discussion). Nous allons animer des séances de co-developpement. Les salariés vont pouvoir amener dans ces séances de 2h des sujets qui les préoccupent dans un cadre sécurisé que nous avons construit ensemble, ils vont pouvoir les évoquer et surtout les résoudre entre pairs. La méthode est simple mais très structurée. En amont de l’exercice, nous avons contacté tout le monde pour les accompagner, parler de leurs sujets et les aider à se projeter dans la séance. Comme nous créons un cocon bienveillant, il était possible de faire ce partage. Chacun s’enrichit individuellement et résout ses difficultés mais le groupe apprend aussi de ces expériences et tisse de nouveaux liens.

La Semaine de la QVT est organisée par l’ANACT. Quels sont vos liens avec cette agence ?

Chez Cooperactiv’, nous avons été « biberonnés » par les outils et les méthodes de l’ANACT !
Nous sommes ergonomes et l’ANACT a beaucoup utilisé cette discipline des sciences sociales dans les outils et processus qu’elle utilise. L’ergonomie est une approche globale (systémique) des situations qui permet de regarder ce qui se passe dans le travail réel. Repensez à votre journée de travail. Si je vous demande de m’expliquer ce que vous avez fait hier, chaque fois que vous allez commencer une phrase par “normalement”, c’est que cela ne s’est pas passé comme prévu. Il y a souvent un écart important entre ce que l’on nous demande de faire et tout ce que nous faisons pour y arriver. C’est pourquoi nous allons voir ce qui se passe dans la vraie vie des salariés et comprendre ce que les gens font pour arriver à tenir les objectifs. C’est dans cet écart que se développe, soit ce qui nous construit, nous enthousiasme, soit ce qui altère la QVT. Je suis moi-même formé régulièrement à l’ANACT et à leurs outils. Ils arrivent par leur retour d’expérience et leur communication à diffuser une culture de prévention auprès des organisations.
L’ANACT a construit beaucoup de choses par des approches pluridisciplinaires en s’appuyant sur le dialogue social. Nous avons intégré ces principes dans nos démarches.

Je suis “ergopsychoneurosociodesignthinker” chez Cooperactiv’ et surtout un facilitateur qui s’appuie sur différentes disciplines notamment celles des sciences humaines et sociales. La méthodologie “design thinking” appliquée au management et à la conduite du changement  apporte une véritable  pertinence dans les démarches d’innovation et de transformation. Ma démarche est doublement vertueuse : elle permet de réengager les parties prenantes tout en apportant des solutions tangibles et immédiatement opérationnelles à toutes sortes de problématique.